Polytechnique Montréal : la première tuerie masculiniste revendiquée comme telle
Le 6 décembre 1989, l’Ecole Polytechnique de Montréal voit se produire un féminicide d’un genre nouveau.
Marc Lépine, un jeune homme qui avait été recalé à l’examen d’entrée, entre un matin dans l’établissement. Là il demande aux hommes de sortir des salles de cours et massacre des étudiantes au cri de “je hais les féministes”. Il tue 14 jeunes femmes et fait 10 blessées, puis il se suicide.
Si son acte a été présenté comme celui d’un fou, Marc Lépine l’avait prémédité et longuement préparé. Surtout, il avait revendiqué la signification politique et anti-féministe de son massacre.
C’est là que réside la nouveauté de l’acte : pour la première fois, un auteur de féminicide détaille ses intentions par écrit et décrit son geste comme un acte politique. Dans son manifeste, qui ne sera révélé au grand jour par la police qu’un an plus tard, Marc Lépine explique que les élèves ingénieures veulent “prendre la place des hommes” en exerçant un métier auquel ils devraient accéder de façon exclusive. C’est ce statut de “féministes” qui rejettent leur place naturelle de subordination que le tueur a estimé être punissable de mort.
Les revendications et méthodes terroristes de Marc Lépine sont typiquement masculinistes. Ce n’est pas un hasard si des groupes de “défense des droits des hommes” nord-américains en ont fait un héros. Ce terroriste misogyne a fait des émules au cours des années 2000 et 2010. Dernièrement, le 15 octobre 2014, c’est la sociologue féministe spécialiste des jeux vidéos Anita Sarkeesian qui a du annuler une conférence à l’Université de l’Utah après des menaces précises de “massacre de type Montréal”.
Tous les ans, le 6 décembre à 19h, l’association Encore féministes ! se rassemble place du Québec à Paris pour une commémoration du féminicide de l’Ecole Polytechnique, “Pour qu’on n’oublie pas ces femmes qui ont été tuées parce qu’elles étaient des femmes, et qu’elles étudiaient des matières scientifiques.”
Leurs noms sont cités un à un, tandis qu’à chaque nom cité une jeune femme anonyme dépose une rose au centre de la place.
– Geneviève Bergeron
– Hélène Colgan
– Nathalie Croteau
– Barbara Daigneault
– Anne-Marie Edward
– Maud Haviernick
– Barbara Klucznik-Widajewicz
– Maryse Laganière
– Maryse Leclair
– Anne-Marie Lemay
– Sonia Pelletier
– Michèle Richard
– Annie St-Arneault
– Annie Turcotte.
Santa Barbara, un féminicide à vocation génocidaire
Le 23 mai 2014, Elliot Rodger commet un massacre à Isla Vista qui peut être qualifié non seulement de féminicide, mais encore d’attentat terroriste masculiniste. Cet étudiant de 22 ans a tué 2 jeunes femmes et 4 jeunes hommes, mais ses intentions étaient claires. Il se rendait dans une sororité du campus de Santa Barbara, à l’Université de Californie, pour y tuer des femmes, parce que femmes. Dans le manifeste qu’il a enregistré avant son crime, il est limpide : « Je massacrerai toutes les filles du bâtiment, et je prendrai un grand plaisir à le faire. »
Elliott Rodger fréquentait assidûment une communauté masculiniste sur internet. Là, les femmes sont vues comme des biens à disposition. Une femme qui dit “non” commet un crime qui doit être puni de mort. De façon typiquement masculiniste, Rodger se pose en victime des femmes.
Selon ses propres termes, Elliott Rodger regrette de ne pas pouvoir commettre un féminicide global, c’est-à-dire un génocide de femmes : “les tuer toutes”. Il prévoit donc d’en tuer le plus possible pour que toutes les autres soient terrorisées. Son but avoué est de “leur faire peur » pour les soumettre à l’autorité des hommes et imposer un ordre social misogyne. Rodger tue des femmes parce que femmes, il commet donc un féminicide. C’est en outre un terroriste d’un genre encore peu connu : un terroriste masculiniste.
Le cas des femmes et des filles autochtones au Canada
Alors que les femmes et les filles autochtones – Premières Nations, Inuites, Métisses – ne représentent que 4,3 % des Canadiennes, elles sont surreprésentées en tant que victimes d’homicides contre des femmes et portées disparues (respectivement 16 et 11,3 % du groupe concerné).
Elles sont doublement discriminées en tant que femmes et en tant qu’autochtones colonisées. En tant que femmes, elles subissent des violences familiales et conjugales – 75 % sont tuées dans une résidence – ; en tant qu’autochtones, elles sont la cible de violences racistes au sein de la société canadienne.
Marginalisées économiquement et socialement, choisies parce qu’elles sont considérées sans défense et sans importance, ces victimes sont négligées par la police et le gouvernement fédéral. Le grand public ne s’émeut pas de leurs disparitions. Pourtant, elles ont connu une fin atroce : rouées de coups ou poignardées. Ces femmes étaient jeunes en grande majorité, mères pour 88 % d’entre elles.
1 181 femmes et filles autochtones ont été assassinées ou portées disparues entre 1980 et 2012, soit en moyenne 3 femmes par mois. Il ne s’agit pas d’une simple série de crimes mais d’un phénomène sociologique : le féminicide.
Malgré tout, les associations telle que Femmes autochtones du Québec – FAQ – ne désarment pas et organisent des manifestations ou vigiles afin d’obtenir une enquête nationale sur le sujet. L’Association des femmes autochtones du Canada – AFAC –, quant à elle, publie régulièrement des rapports sur la question. Le dernier en date porte sur l’exploitation sexuelle et la traite des femmes et des filles autochtones. Il est à noter que l’AFAC recommande la décriminalisation des prostituées et la pénalisation des proxénètes et des clients.