La chasse aux « sorcières » en Europe

La chasse aux sorcières est un exemple de féminicide à part entière : 80 % des victimes sont des femmes. Au Moyen-Âge et pendant l’Inquisition, des femmes, appelées « sorcières », ont été massivement tuées de manière atroce (noyade, bûcher) pour des raisons religieuses : elles se seraient allier aux Forces du Mal du fait de leur faiblesse et infériorité intellectuelle naturelles (selon le Malleus Maleficarum de 1486, ou Marteau des sorcières). En réalité, ces raisons étaient des prétextes permettant à l’Eglise de renforcer son contrôle sur les femmes. En effet, les premières femmes accusées de sorcellerie était les guérisseuses, les sages femmes, les avorteuses, ou encore les béguines, ces religieuses qui vivaient dans des communautés autonomes et prônaient une plus grande liberté sexuelle, ce qui remettait en cause le pouvoir omnipotent de l’Eglise. Les accuser de sorcellerie permettaient ainsi d’éliminer ces femmes de savoir, et donc de pouvoir. Ce « sexocide » des sorcières (selon l’expression de Françoise d’Eaubonne) a également permis à l’Eglise de mener une grande répression des mœurs libérées du monde rural, et surtout de la sexualité féminine.

Dans la ville de Ciudad Juárez au Mexique : l’impunité des féminicides

La ville de Ciudad Juárez au Mexique est devenue en l’espace d’une vingtaine d’années le lieu emblématique de ce qu’on appelle le féminicide.

Ciudad Juárez est une ville frontalière avec les États-Unis de plus d’un million d’habitants, située dans l’État mexicain de Chihuahua. Les années 1990-2000 sont marquées par le développement dans cette ville de disparitions et de meurtres de femmes, progressivement appelés féminicides. Ces assassinats sont particulièrement marquants : on retrouve des cadavres de jeunes femmes, parfois à peine sorties de l’adolescence, portant les marques de terribles violences sexuelles, viol et tortures.

A chaque meurtre, le même scénario se répète : des jeunes filles (certaines déjà mères de famille) disparaissent sur le trajet pour l’usine ou à la tombée de la nuit ; la famille signale la disparition mais la police répond qu’elle est probablement avec son fiancé, en train de s’amuser ou qu’elle a traversé la frontière. Quelques semaines plus tard, sans qu’aucune enquête ne soit réalisée, les corps sont retrouvés.

Chercheurs-ses et associations comptabilisent 382 femmes et fillettes assassinées entre 1993 et 2004, pour la plupart des ouvrières entre 15 et 19 ans. D’autres sources avancent le chiffre de 941 féminicides entre 1993 et 2010. Selon les ONG locales (en désaccord avec les statistiques des services de police), au moins une jeune fille disparaît par semaine.

Ces meurtres de femmes n’ont jamais été élucidés. Les meurtriers sont protégés par la police dans un pays où la mafia locale procède en accord avec policiers, procureurs, juges et hommes politiques. Cette corruption quasi officielle permet une totale impunité de ces meurtres de femmes parce qu’elles sont des femmes.